LE PREMIER RASTA/ utopia avignon

Publié le par KORODJO

 

                        LE PREMIER RASTA

                              Hélène LEE - documentaire France 2010 1h25mn -

                                         Du 01/06/11 au 14/06/11

 


JEUDI 9 JUIN À 20H30 LA SÉANCE SERA SUIVIE D’UNE RENCONTRE AVEC LA RÉALISATRICE HÉLÈNE LEE
Journaliste anti-conformiste, spécialiste de la culture rastafari et du son jamaïcain. La rencontre, organisée avec
Korodjo sound system, sera suivie d’une tournée de bissap (boisson à base d’hibiscus) et en musique...

 

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Quand on parle de Rastas, les clichés sortent vite du bois : grands gaillards dégingandés en dreadlocks, passant l'essentiel de leur temps à rouler des herbes aromatiques au cœur d'une feuille de papier en écoutant évidemment du reggae… Mais au début du siècle dernier la musique reggae n’existait pas, et pourtant un certain Leonard Percival Howell, qui portait le cheveu court et le costume élégant, allait créer le mouvement rastafari.

 

                           


 


1errastaleonardpercival.pngA priori destiné à un parcours tranquille, ce fils d’une bonne famille jamaïcaine de neuf enfants, menée à la baguette par un prêcheur anglican qui avait fait fortune dans la banane, voit sa vie basculer, quand, refusant de témoigner dans un procès pour assassinat, il s’enfuit à l’étranger. Une fuite qui tourne vite à la grande aventure : il s’embarque sur un bateau bananier puis comme aide-cuisinier sur un navire de l'US Navy, embrassant une vie de marin au long cours, au moment où cette profession est probablement la plus imprégné des idées marxistes en plein essor (des marins de Kronstadt à ceux de New York, les idées révolutionnaires vont bon train). Son parcours l’emmène de la Russie léniniste à l’Extrême Orient également en plein bouleversement, puis à Panama où la construction récente du canal a généré un passionnant cosmopolitisme, jusqu’à New York où il rencontre Marcus Garvey, gourou africaniste, promoteur du grand retour vers l’Afrique, au sommet de sa gloire dans le Harlem des Années Folles.

 



Mais la Grande Dépression de 1929 sonne la fin de la récré, et pour Leonard le retour forcé en Jamaïque. Et c’est là qu’il va avoir le génie de rassembler les aspirations africanistes de Garvey, une approche marxiste et le mysticisme hindou très présent en Jamaïque : la communauté indienne est nombreuse et a importé la pratique de la consommation du cannabis, dont Howell développe rapidement la production à une échelle industrielle. C’est lui aussi qui commence à célébrer la personnalité de Hailé Sélassié, roi d’Ethiopie, qu’il présente comme un guide vers la liberté et le retour à l’Afrique pour tout Jamaïcain. Les bases du rastafarisme étaient posées. Howell professe même l'allégeance à ce roi plutôt qu'au royaume britannique, ce qui lui vaut ses premiers ennuis. D’autant qu’il crée une communauté de plusieurs milliers d’individus sur un territoire immense, le Pinnacle, vivant en toute autonomie, essentiellement de la production de la marijuana.


1errastapinnaclemini.png Howell est extrêmement populaire, doté d’un puissant charisme (on l'appelle « Le Gong ») et d’un réel pouvoir de séduction (on lui attribue d’ailleurs d’innombrables conquêtes). Le Pinnacle dérange le pouvoir britannique, puis le tout nouvel Etat indépendant présidé par Bustamante, passablement inféodé aux intérêts des anciens propriétaires blancs. On fait au Pinnacle les pires ennuis, jusqu’à son saccage par la police dans les années 50 et l’internement de Howell.

1errastalesbatteursdeco.pngLe documentaire d'Hélène Lee, immense spécialiste de la culture rasta et reggae, se suit comme un grand film d’aventures qui traverse le siècle. À travers les témoignages d’anciens membres du Pinnacle, souvent pas loin d’être centenaires, dont le regard fatigué s’illumine immédiatement à la mémoire du Gong, on comprend que cette communauté fut une expérience extraordinaire.
Pourtant, quand Bob Marley débarque à la fin des années 60 et contribue à populariser et mondialiser le reggae, Howell est largement et volontairement rayé, comme dans un bon vieux régime stalinien, de l’histoire officielle rastafari. D’ailleurs Hélène Lee a bien du mal à trouver des Jamaïcains de moins de 80 ans le connaissant. Ironie de l’histoire, Marley, toujours redevable envers le premier Rasta, donna le pseudonyme de Gong à son fils Damian et mourut prématurément en 1981, la même année que Leonard Percival Howell. Hélène Lee a réparé l’injustice de l’oubli.

PS : la musique a toujours accompagné et même véhiculé la pensée Rasta, outil de transmission et de défense, comme fut le blues pour les esclaves américains. C'est donc tout naturellement qu'elle tient une place centrale dans le film : Max Romeo, Groundation, The Abyssinians, Bunny Lee, entre autres.

 

 


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